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Deux chercheurs en économie ont présenté le 4 février leurs travaux sur l'externalisation des agents de nettoyage des collèges des départements du Nord et des Yvelines. Deux expériences qui déconstruisent les croyances sur les bénéfices, en termes de compétences mais surtout de coût pour la collectivité, de l'externalisation de ce service.

 

"La Gazette des communes" / Emploi public Finances locales Service public

 

La journée d’étude sur la transformation de l’emploi public organisée à Lille le 4 février par le Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (CLERSE) a jeté un coup de projecteur sur les représentations associées à l’externalisation de certaines fonctions remplies habituellement par des agents publics.

 

François-Xavier Devetter, professeur de sciences économiques à l’université de Lille, et Julie Valentin, maître de conférence en sciences économiques à l’université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, ont travaillé à partir de l’externalisation des agents de nettoyage des collèges des départements du Nord (processus progressif depuis 2017) et des Yvelines (externalisation en une fois via un PPP en 2019).

 

Qualité de l’emploi dégradée

 

Premier constat : selon eux, l’externalisation est plutôt synonyme d’une dégradation des conditions de travail et de la qualité de l’emploi pour les personnes concernées. Pour « un emploi à vocation identique, explique François-Xavier Devetter, un agent de service d’entretien de bâtiments publics sera payé 1 370€ mensuels pour 33 heures hebdomadaires alors qu’un salarié du secteur de la propreté travaillera 25 heures et sera rémunéré 930€ par mois ».

De plus, les personnes concernées décrivent leurs missions comme moins polyvalentes dans le secteur privé que lorsqu’elles travaillent dans le public, ce que les chercheurs interprètent comme un appauvrissement de leurs taches et de leurs fonctions.

 

Face à ce constat, ils ont interrogé les raisons généralement avancées pour justifier la décision d’externaliser le nettoyage. Est-ce par besoin de compétences ?

Les travaux qu’ils ont réalisés montrent au contraire que l’externalisation s’accompagne d’un niveau de formation plus faible des personnes employées dans le privé. Ils ont également observé que les agents publics du nettoyage déclarent « bien plus » de compétences transversales que ceux du secteur privé.

 

Alors peut-être est-ce pour réaliser des économies ? « Il existe une vision très partagée sur le fait que l’externalisation est un facteur de baisse du coût de la main d’œuvre », a souligné Julie Valentin, parce que les données généralement comparées sont celles du coût horaire du travail entre les deux secteurs. Cette comparaison conclut certes à un salaire horaire moyen plus cher dans la fonction publique, mais de nombreux autres facteurs doivent être pris en compte pour obtenir une comparaison financière valable.

 

« Il faut réfléchir en termes de coût de la prestation », insiste la chercheuse, c’est-à-dire en incluant le coût de gestion associé aux prestations, la nécessité de maintenir une part d’encadrement des salariés dans les établissements, le suivi de la réalisation du contrat et la gestion des absences. « On arrive à un différentiel assez faible, plutôt à l’avantage des titulaires », constate Julie Valentin. Ou alors il faudrait réduire le nombre d’heures de prestation mais, par ricochet, la qualité du nettoyage réalisé se dégraderait…

Défaut d’information

 

Si les acteurs publics « mesuraient mieux les coûts sociaux » de l’externalisation, poursuit la chercheuse, « ils se rendraient compte que cela ne va pas du tout ». Un salarié du privé payé 930€ percevra en effet la prime d’activité, payée par le Département, ainsi que, potentiellement, d’autres prestations sociales. Il paiera aussi moins d’impôts et les allègements de cotisation sur son salaire seront compensés par l’État. Des éléments qui font pencher clairement la balance financière, globalement, au profit de l’emploi public.

 

Comme expliquer alors que les décisions d’externaliser ces fonctions se poursuivent ? En partie par un cloisonnement des décisions et un défaut d’information des personnes décisionnaires sur l’ensemble des éléments en jeu, estiment les chercheurs. Et de citer un verbatim recueilli au cours de leurs travaux sur une collectivité : « le président s’est engagé à baisser la masse salariale, pas les dépenses ».

Tag(s) : #cadres, #dans les services, #cultures
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